Dans le cadre du mois «Octobre Rose» dédié à la lutte contre le cancer du sein, le professeur Adlen Dib, oncologue au CHU de Sétif, a pris la parole lors d’un live diffusé sur les réseaux sociaux, répondant à plusieurs questions posées par Algérie Confluences.
À travers ses interventions, il a dressé un état des lieux lucide mais porteur d’espoir sur la situation en Algérie, tout en appelant à une mobilisation collective. Pour le professeur Dib, «Octobre Rose» est bien plus qu’une campagne annuelle : «C’est un moment de vérité, un rappel que derrière les chiffres, il y a des vies, des familles, des femmes qui se battent chaque jour.»
Il insiste sur le rôle crucial de cette initiative pour briser les tabous, encourager le dépistage et faire avancer la recherche.
Où en est l’Algérie dans la lutte contre le cancer du sein ?
Selon les données évoquées durant le live, le cancer du sein reste le premier cancer féminin en Algérie, avec une incidence en hausse constante.
Si des progrès ont été réalisés en matière de diagnostic et de traitement, notamment dans les grands centres hospitaliers, les disparités régionales demeurent préoccupantes. « À Sétif, nous avons fait des avancées, mais dans d’autres wilayas, l’accès aux soins reste limité.
Il faut une politique de santé équitable et territorialisée », souligne le professeur.
Le dépistage : encore trop peu intégré dans les habitudes
Interrogé sur les habitudes de dépistage, Adlen Dib déplore une faible culture de prévention : «Beaucoup
de femmes arrivent trop tard, faute d’informations ou par peur du diagnostic. Le dépistage précoce sauve des vies, mais il n’est pas encore un réflexe.» Il appelle à renforcer les campagnes de proximité, notamment dans les zones rurales, et à former davantage de professionnels à la communication médicale. Il a rappelé que près de 80% des causes du cancer sont liées à des facteurs environnementaux et comportementaux, soulignant ainsi l’importance de la prévention. Il a insisté sur le rôle du stress, de la sédentarité, de l’alimentation déséquilibrée et du manque d’expression émotionnelle dans l’apparition de pathologies cancéreuses. «Nous avons les moyens d’agir sur ces facteurs. Bouger, respirer, se reconnecter à soi, ce sont des gestes simples mais puissants», a-t-il affirmé.
Médias et réseaux sociaux : Des leviers puissants mais sous-exploités
Le professeur Dib reconnaît le potentiel des médias et des réseaux sociaux pour toucher un large public, notamment les jeunes générations : «Une vidéo bien faite, un témoignage sincère, peuvent avoir plus d’impact qu’un colloque. Les journalistes ont un rôle fondamental à jouer pour vulgariser, humaniser et mobiliser.»
Vers une structuration durable de l’oncologie en Algérie
Lors du live, le professeur a mis en lumière les efforts déployés à Sétif pour renforcer la prise en charge du cancer du sein. Grâce à la création de plusieurs unités spécialisées dans la wilaya, Sétif est aujourd’hui considérée comme une région pilote en matière d’oncologie. Ces centres permettent une meilleure coordination entre dépistage, diagnostic et suivi thérapeutique, tout en rapprochant les soins des patientes. Le professeur a également souligné l’importance d’un registre national du cancer actualisé régulièrement, idéalement tous les deux ans, afin de mieux orienter les politiques de santé et les priorités de recherche. «Une cartographie précise de l’évolution des cancers en Algérie est indispensable pour anticiper, adapter et améliorer les réponses médicales», a-t-il expliqué, insistant sur la nécessité d’un travail collaboratif entre institutions, chercheurs et praticiens.
Et demain ?
Enfin, le professeur évoque ses projets futurs : renforcer les partenariats avec les universités, développer des outils de dépistage mobile, et créer une plateforme numérique dédiée à la sensibilisation. «La recherche doit être au service du terrain. Et chaque patient mérite d’avoir accès à une médecine digne.».
Dans ce cadre il a évoqué les recherches internationales, notamment autour du vaccin russe, encore
à un stade expérimental.
Il a précisé que des études sont en cours pour déterminer si la réponse immunitaire de la population russe est comparable à celle des autres populations, notamment, nord-africaines, une donnée essentielle pour envisager une éventuelle adaptation locale. «La recherche avance, mais elle doit être contextualisée. Ce qui fonctionne ailleurs ne fonctionne pas toujours ici, et inversement», a-t-il souligné.
R. Tiar.

