Le meurtre atroce d’Aboubakar Cissé, un jeune musulman tué de dizaines de coups de couteau vendredi dernier dans une mosquée du Gard (sud de la France), a provoqué un profond émoi au sein de la communauté musulmane et suscité une vague d’indignation dans la classe politique française, notamment à gauche. L’acte, qualifié par beaucoup d’islamophobe, a ravivé les critiques contre le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, accusé de banaliser les discours de haine à l’encontre des musulmans.Au cœur des accusations : une série de prises de position controversées du ministre, perçues comme hostiles aux musulmans. Lors d’un récent rassemblement intitulé « Pour la République, contre l’islamisme », Retailleau avait notamment déclaré : « Vive le sport, et donc à bas le voile ! », provoquant l’ire des associations de défense des droits humains et de nombreux responsables politiques.Jean-Luc Mélenchon, chef de file de La France insoumise (LFI), a fustigé ces propos, les jugeant responsables du climat islamophobe ambiant. « Ceux qui prononcent des paroles dont ils n’ont plus le sens en sont responsables », a-t-il affirmé dimanche soir à Paris, lors d’un rassemblement contre l’islamophobie. Il a directement mis en cause Retailleau, l’accusant d’alimenter un climat délétère envers les citoyens de confession musulmane.
Un sentiment partagé par Manuel Bompard, coordinateur national de LFI, qui a dénoncé une atmosphère malsaine dans laquelle des individus se sentent désormais autorisés à s’en prendre physiquement à des personnes en raison de leur religion. « Les musulmans ont peur, il faut le dire clairement : il s’agit d’un acte islamophobe », a-t-il martelé en appelant à un plan national contre toutes les formes de racisme.
Pour la députée insoumise Aurélie Trouvé, il ne fait aucun doute que « l’islamophobie tue ». Elle a pointé la responsabilité morale de certains responsables politiques dans la propagation de discours dangereux. « Quand on parle des ‘belles heures de la colonisation’, quand on veut interdire le voile dans le sport, qu’est-ce que c’est si ce n’est pas attiser la haine contre les musulmans ? », s’est-elle interrogée, appelant à une grande marche nationale contre l’islamophobie le 11 mai prochain.Du côté des écologistes, Marine Tondelier a dénoncé la « banalisation de l’islamophobie par les médias et les responsables politiques », qu’elle juge dangereuse pour la vie des citoyens musulmans. Même ton chez Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, qui a tweeté : « Honte à celles et ceux qui propagent le venin de la haine antimusulmans ».Mais ce qui a le plus choqué, c’est la réaction jugée froide et distante de Bruno Retailleau à l’annonce du meurtre. Alors que le crime suscitait l’effroi, le ministre choisissait de se rendre aux funérailles du pape François à Rome, déclenchant une vague d’indignation. « Pour lui, les vies n’ont pas la même valeur », a dénoncé le député Thomas Portes, ajoutant que l’absence du ministre dans le Gard contrastait fortement avec sa réactivité après l’attaque d’un lycée à Nantes, survenue quelques jours plus tôt.Même Xavier Bertrand, figure des Républicains, a pointé « une indignation à géométrie variable ». « Lorsqu’un homme est tué en France parce qu’il est musulman, cela doit être condamné avec force », a-t-il affirmé. Le président de SOS Racisme, Dominique Sopo, a fustigé le « silence assourdissant » du ministre. Il a rappelé que Bruno Retailleau s’était rendu à Nantes « pour s’exprimer longuement sur une attaque dans un lycée, jusqu’à empiéter sur les fonctions du ministre de l’Éducation », mais qu’il est resté muet face à un crime motivé, du moins en partie, par la haine des musulmans. Plusieurs députés et responsables associatifs ont également dénoncé un traitement différencié des victimes. « Pour Retailleau, il y aurait des Français de papier, et manifestement, des victimes de seconde zone », a déploré Paul Vannier, député LFI. Un constat amer partagé par le recteur de la mosquée Sud-Nîmes, qui s’est dit attristé par l’absence de toute visite préfectorale ou signe de soutien officiel aux fidèles meurtris. « Nos fidèles sont profondément déçus », a-t-il déclaré. L’avocat de la famille de la victime a, quant à lui, dénoncé une République qui « trie ses victimes », selon leurs origines ou confessions. Face à cette vague d’indignation, la pression monte sur le gouvernement, sommé de reconnaître et de combattre plus ferme ment les actes islamophobes, au lieu de les banaliser ou de les minimiser. Le drame d’Aboubakar Cissé pourrait bien devenir un tournant dans le débat sur la reconnaissance des violences ciblant les musulmans en France .
Fateh H.
Assassinat dans une mosquée: Polémique sur la réaction du ministre de l’Intérieur
