Une émission télévisuelle portant sur la lecture en milieu scolaire-qui pourrait paraitre anodine- a ravivé en moi une expérience vécue, il y a de cela une soixantaine d’années. Ce souvenir est à l’origine de ma relation par rapport au livre dans ce qu’elle a de plus précieux, à savoir les valeurs humaines dans tous les domaines qui constituent la société. Quelle est donc cette information dont il est question ? Il s’agit d’une mesure toute simple qui consiste à consacrer chaque jour, après la récréation de l’après-midi, un quart d’heure à la lecture ; chaque élève est libre de choisir ce qu’il veut lire : Roman, poésie, illustrés, magazines ou tout autre ouvrage de son choix.Il est à préciser que pour le bon exemple, les enseignants sont aussi concernés par cette mesure qu’ils ont pensée, proposée et mise en œuvre.
Cette action si originale de sensibilisation à la lecture se déroule dans une école primaire ordinaire d’une petite localité tout aussi ordinaire. A la fin des années cinquante, j’ai vécu une expérience qui, si elle n’est pas similaire dans la forme, elle ne l’en n’est pas moins dans la finalité et les objectifs escomptés, à la seule différence que seule une classe de l’école primaire était concernée. L’initiative de cette action revient à notre instituteur qui voulait nous transmettre sa passion des livres et d’éveiller en nous toutes les possibilités qu’offre la lecture. Pour la concrétisation de ce projet, le problème de la disponibilité du livre se posait. Ainsi notre enseignant, sachant que la majorité des élèves indigènes n’ont jamais vu l’ombre d’un livre chez eux, a eu l’idée généreuse de créer une petite bibliothèque au niveau de notre classe. Elle était alimentée par des dons en livres par nos camarades de classe les plus nantis, ainsi que par l’acquisition d’ouvrages grâce à une modeste cotisation mensuelle des élèves. Cette bibliothèque nous permettait d’avoir accès aux livres dont nous étions dépourvus et de pouvoir ainsi nous adonner à la lecture et participer de façon active aux différentes activités induites.
L’initiative de cet enseignant, hors du commun, nous a permis de découvrir des horizons insoupçonnés et de nouer une relation indéfectible avec«ces êtres de papier » que sont les livres. Cet aspect, pierre angulaire de cette relation, fait intervenir les différents sens : ainsi on peut voir la forme, la couleur, le volume et la qualité du papier, de même qu’on peut sentir l’odeur qui émane du livre neuf ou ancien, le toucher pour en apprécier la texture, la forme et apprécier le bruissement des pages que l’on feuillette. La présence de livres est réconfortante et rassurante, on éprouve beaucoup de plaisir à s’entourer de livres. Le livre permet de s’évader, de réfléchir et de découvrir. Pour toutes ces raisons, je trouve pour le moins inadéquates et amputées de l’essentiel ces définitions du mot « Livre » qu’on donne dans des dictionnaires. A cet effet, dans le « Larousse », il est transcrit : « Assemblage de feuilles imprimées et réunies en un volume, broché ou relié » ; dans le « Robert », on lit : «Assemblage broché ou relié d’un assez grand nombre depages ». Cette vision réductrice qui occulte toute la charge symbolique et l’atmosphère qui entourent le livre est profondément injuste.Quant au livre numérique, je trouve qu’il lui manque une âme et tout ce qui a trait aux sensations qui instaurent une relation privilégiée entre le livre papier et le lecteur. par Par Ahcène Bénamara (*)Psychologue