Kachabia :Une tradition vestimentaire ancrée à Médéa

Considérée comme l’habit le mieux adapté aux rigueurs de l’hiver à Médéa, la kachabia, une sorte de manteau fermé long avec une capuche et de longues manches, a traversé le temps sans subir la moindre ride, malgré la concurrence de produits vestimentaires aux styles, aspects et couleurs plus séduisants et plus attirants les uns que les autres.
Ce vêtement traditionnel ancestral occupe une place importante dans la mémoire collective à Médéa, autant que dans d’autres régions du pays, car son image est liée aux moudjahidine de la glorieuse révolution de novembre 54 qui le portaient, et a acquis la réputation d’être l’un des principaux habits traditionnels nationaux. La kachabia a non seulement résisté à l’évolution des habitudes vestimentaires qui traverse la société algérienne, mais a réussi également à préserver sa place parmi une panoplie de vêtements d’hiver importés des quatre coins de la planète.
En dépit de la profusion des marques de vêtements d’hiver, la bonne vieille kachabia fait toujours « tendance » à Médéa, chez les jeunes et les moins jeunes, auprès des différentes catégories sociales qui l’exhibent fièrement lors d’occasions officielles, surtout quand elle est de fabrication haut de gamme, estime Ahcène Gharnaouti, un des plus grand tailleur d’habits traditionnels à Médéa.
Loin d’être l’apanage d’une catégorie spécifique de la population ou le propre d’une région singulière, la kachabia, tout autant que le burnous, une sorte de longue cape, sans manche, avec une capuche pointue, et le costume traditionnel, composé d’un gilet et d’un pantalon large, appelé communément « seroual loubia », séduisent encore aujourd’hui de plus en plus de personnes.

« Le port de la kachabia se transmet de père en fils, beaucoup la portent avec fierté », poursuit cet artisan issu d’une famille qui se transmet depuis plus de sept générations un savoir-faire séculier qui a fait la réputation de la famille Gharnaouti.
Longtemps confinée aux seules régions rurales et dans les milieux des nomades, la kachabia « a réalisé une percée progressive, mais très remarquée en milieu urbain dit sédentaire », note Gharnaouti, expliquant ce retour aux origines par l’attachement du citoyen algérien à sa culture et son identité.

Faite de poils de chameaux ou en laine, la kachabia séduit toujours

La kachabia s’est imposée aussi bien auprès des notables, cadres, fonctionnaires qu’auprès des chefs d’entreprises et des personnalités publiques. Beaucoup l’assimilent de plus en plus à une sorte de distinction sociale qui les différencie du reste de la population, surtout lorsqu’on peut se permettre d’acquérir ce qui se fait le mieux sur le marché et à des prix inaccessibles aux petites bourses, a-t-il relevé.
Les prix sont fixés en fonction du nombre d’heures consacrées à la confection de l’habit et à la matière utilisée, et il existe une nette différence de la valeur d’une kachabia faite de poils de chameau « wabr », de laine de mouton ou celle fabriquée à partir de produits synthétiques, a encore précisé Gharnaouti.
Ainsi, une kachabia en laine est cédée à partir de 25 mille dinars, et son prix peut atteindre 200 mille dinars, voir plus, si elle est entièrement confectionnée en poils de chameau.
Les fêtes religieuses et traditionnelles, aïd, ramadan, El-Mawlid En-nabaoui, sont les moments de l’année ou l’achat des habits traditionnels connait un grand boom, toujours selon Ahcène Gharnaouti qui dit avoir observé ces dernières années, un grand intérêt des jeunes pour l’habit traditionnel, notamment lors des fêtes religieuses. Pour Ibrahim Serdouk, jeune tailleur âgé de 29 ans, installé dans la commune de Tlet-Douairs, au sud-est de Médéa, l’habit traditionnel est « le reflet de l’élégance et la prestance, un symbole d’appartenance à une culture séculaire riche et diversifié dont les racines remontent à des époques lointaines de l’histoire ».
L’image de l’habit traditionnel, que ce soit pour la kachabia, le burnous ou le costume d’apparat porté lors des fantasia, est « étroitement lié à celle de grandes personnalités qui ont façonné notre histoire », tels que l’émir Abdelkader, cheikh El-haddad, l’imam Abdelhamid Benbadis ou plus proche de nous, le défunt président de la république Houari Boumediène, avec son fameux burnous noir qu’il portait durant ces déplacements, tant à l’intérieur du pays qu’à l’étranger, poursuit le jeune Ibrahim.
Continuant sur les pas de son vieux père, aujourd’hui âgé de 85 ans, dont près de 65 années consacrées à ce métier, Ibrahim Serdouk s’emploie depuis qu’il a repris l’atelier de confection paternel, à préserver ce métier qui fait partie intégrante du patrimoine local.
Malgré la pénibilité de ce métier qui requiert de la passion et de la patience, et auquel il faut consacrer le plus clair de son temps, le jeune tailleur de Tlet-Douairs est décidé à poursuivre le parcours de son père et consentir les mêmes sacrifices afin que ce patrimoine puisse continuer d’exister en le transmettant à
d’autres personnes. A noter, la kachabia et le burnous ont été au centre d’une exposition consacrée à l’habit traditionnel organisée au pôle universitaire de Médéa par le secteur de la culture et des arts à l’occasion de la célébration du mois du patrimoine (18 avril-18 mai).
En sus d’une présentation de divers types d’habit traditionnel portés dans la région du Titteri, des outils et produits rentrant dans le processus de confection de ces habits ont fait partie de cette exposition.
La manifestation culturelle a été mise à profit pour faire connaitre aux étudiants les multiples facettes de l’habit traditionnel de la région, et sa symbolique, à travers le témoignage d’artisans de la wilaya qui ont apporté un éclairage sur ce patrimoine vestimentaire et ses prolongements socioculturels.
Les intervenants ont également abordé les volets relatifs à la spécificité de la kachabia et du burnous, et la place qu’ils occupent au sein du monde rural, les étapes de confection, les matières premières utilisées, et les techniques suivies pour obtenir le produit fini.

L.C

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