« Afrique, conscience et empreintes », une rencontre focalisée sur la présence de la littérature africaine dans le monde, a été animée, samedi à Alger dans le cadre du 26e Sila, par des académiciens universitaires qui ont mis en valeur l’affirmation du discours autochtone africain devant le regard réducteur et colonialiste de ses prédateurs.
Organisée à l’Espace africain, cette rencontre a vu l’intervention du professeur de littérature comparée à l’Université de Annaba, Abdelmadjid Hanoun, de l’enseignant universitaire à Alger II, Wahid Benbouaziz et de l’académicien et enseignant à l’Université « Mohand-Oulhadj » de Bouira, Mustapha Ould Youcef.
Faisant remarquer d’entrée qu’il existe « plusieurs littératures africaines » de par la « diversité culturelle et linguistique » que recèle ce grand continent, le professeur de littérature comparée, Abdelmadjid Hanoun a relevé l' »inadaptation des méthodes d’étude appliquée jusque-là », basées sur une vision purement colonialiste qui « ne voyait la littérature africaine que par le véhicule linguistique de l’occupant », ajoutant qu’il convenait de « changer d’approche académique » qui devrait se porter sur la notion de « pluralité littéraire africaine ».
Le professeur à l’Université de Annaba a appuyé son propos en donnant l’exemple de l' »étude et l’analyse de la mémoire », un des nombreux aspects révélateurs, s’ouvrant sur une étude comparative pertinente qui établi clairement la pluralité culturelle en Afrique, car se déclinant « en plusieurs champs d’études: mémoires plurielles, familial, tribale, nationale et humaine ».
Dans une intervention tournée sur l’histoire de l’Afrique sous le joug colonial, l’universitaire Wahid Benbouaziz est d’abord brièvement revenu sur la perception de l’africain de sa condition d’être colonisé et esclavagé, et l’évolution de son rapport à ses bourreaux, jusqu’à l’apparition de la Négritude, mouvement littéraire qui avait alors, décidé d’assumer entièrement cette vision péjorative et réductrice du conquérant occidental, dès lors qu’elle établissait clairement la différence entre « l’homme nègre » et « l’homme occidental ».
Le conférencier a ensuite enchainé en mettant à nu les stratégies d’alliance datant du XIXe siècle, du capitalisme avec le sionisme pour la création d’une force prédatrice politico-économique qui allait permettre, pendant longtemps l’exploitation, en toute impunité, des richesses et des réserves naturelles de l’Afrique.
Wahid Benbouaziz a ensuite fait remarquer qu’il était « nécessaire de connaitre les relations géopolitiques d’antan, pour mieux comprendre les enjeux d’une écriture littéraire africaine pro-capitaliste », évoquant quelques auteurs qui ont dénoncé ces stratégies de circonstances, à l’instar du Kényan Ali Al’amin Mazrui, du Camerounais, Achylle Mbembe, ou encore du Congolais Alain Mabanckou.
L’académicien et universitaire Mustapha Ould Youcef a d’abord rappelé que le regard de l’Europe à l’Afrique a « de tous temps été anthropologique et non culturel » et que les écrivains africains qui s’expriment dans les parlers locaux, « ne pouvaient pas atteindre l’universalité », contrairement à ceux qui « choisissent la langue de l’occupant comme véhicule linguistique à leurs œuvres ».
L’intervenant a également relevé que la littérature africaine s’exprimant dans la langue de l’autre, avait accès à l' »impression, aux distinctions et à un lectorat plus large », faisant remarquer enfin, que la littérature africaine contemporaine a réussi à s’extraire du sentiment d’infériorité qui l’habitait, au regard de tous les prix Nobel africains, qui, malgré leur choix de s’exprimer dans les langues occidentales, tenaient dans les contenus de leurs oeuvres un discours autochtone tourné vers l’Afrique, vers sa culture et donc vers ses littératures.
Le 26e Sila réunira des exposants, des écrivains et des intellectuels de 18 pays africains, qui mettent en lumière, sous le slogan « L’Afrique écrit son avenir », les acquis historiques et culturels de ce grand continent, berceau de l’humanité et invité d’honneur de cette 26e édition.
Jusqu’au 2 novembre prochain, les conférences et les rencontres de l’Espace africain se poursuivront autour de différentes thématiques, notamment sur le leader sud-africain Nelson Mandela (1918-2013) à l’occasion du dixième anniversaire de sa disparition, et « L’héritage de Frantz Fanon (1925-1961) dans le monde ».
Le 26e Sila ouvre ses portes au public tous les jours jusqu’au 4 novembre, de10h00 à 22h00 au Palais des expositions à Alger.