Si la France officielle veut aller de l’avant dans les relations bilatérales avec l’Algérie, il faudra qu’elle fasse preuve de plus de crédibilité et de sérieux lorsqu’il s’agit de traiter des questions liées à la mémoire car, il s’agit là d’un dossier qui n’accepte «ni chantage ni concession».
C’est du moins le message clair, net et précis du Président de la République, à l’occasion de la Journée nationale de la mémoire, commémorant le 79e anniversaire des massacres du 8 mai 1945. Dans le texte adressé hier à la nation, Abdelmadjid Tebboune rappelle que l’institutionnalisation de cette date durant laquelle le peuple algérien a sacrifié 45.000 martyrs, comme « journée de la mémoire » (en 2021, Ndlr), reflète «une fierté pour le processus national empreint de luttes de génération en génération, depuis que le colonisateur (français) a mis ses pieds sur notre terre saine». Partant, l’importance qu’accorde l’Etat à la mémoire, poursuit le Président, «relève de la responsabilité nationale à protéger l’héritage des ancêtres pour les générations à venir», mais aussi de «de la fierté de la nation de son passé glorieux ». C’est pourquoi, enchaîne le chef de l’Etat, «le dossier de la mémoire ne peut disparaître par un quelconque oubli malgré les années».
Ce dossier, a insisté Abdelmadjid Tebboune, «n’accepte ni concession ni chantage» et restera bel et bien «au cœur de nos préoccupations jusqu’à ce que la vérité historique soit traitée avec objectivité, courage et équité».
A ce niveau, il va sans dire que la partie à laquelle s’adressait le Président n’est pas le peuple algérien, mais bien la France officielle qui doit assumer son passé colonial, et faire preuve de plus de courage dans la reconnaissance des crimes et des massacres commis durant les 130 ans de colonisation. C’est seulement à partir de là qu’Alger et Paris pourraient avancer dans leurs relations bilatérales, comme le souhaitent les deux chefs d’Etat.
D’ailleurs, Tebboune n’a pas manqué de rappeler à son homologue français Emmanuel Macron, sa volonté d’aller de l’avant, à condition que l’on fasse preuve (du côté français) de plus de sérieux et de crédibilité. «Au moment où j’affirme mon engagement à se diriger vers l’avenir dans un climat de confiance, je considère la crédibilité et le sérieux comme une condition principale afin de poursuivre les démarches et efforts en lien avec ce dossier sensible, avec tout ce qu’il représente au peuple algérien fier de son long combat national, de sa lutte armée ..et fidèle aux martyrs et au message de Novembre», écrit le Président Tebboune.
Algérie-France: l’avenir oui, mais pas sans la mémoire
Rappelant qu’à maintes reprises, la visite du Président de la République à Paris a été reportée.
Si entre Alger et Paris, la moindre déclaration »inacceptable » d’un officiel français jette du froid dans les relations bilatérales, la partie algérienne veut des avancées concrètes sur le dossier de la mémoire, avant le déplacement de Tebboune en France. Jusqu’à présent, cette visite « est toujours maintenue », comme l’avait affirmé le chef de l’Etat dans sa dernière rencontre avec la presse en mars 2024. Pas sans contrepartie, toutefois, à en croire les messages contenus dans la lettre d’Abdelmadjid Tebboune à l’occasion du 8 mai.
La glorieuse image dessinée par le peuple algérien lors de cette date en 1945, à Sétif, Guelma, Kherrata, Ain Temouchente et dans d’autres villes d’Algérie, «ont poussé le colonisateur, dans sa folie, à commettre des massacres d’extermination et des crimes contre l’humanité», a rappelé le Président, les qualifiant d’«horribles scènes» qui ont marqué «une halte historique décisive et un tournant dans les luttes du mouvement national vers la confrontation armée, ultérieurement dirigée par des hommes qui ont grandi au cœur de la lutte, déclenchant la Guerre de libération portée par le peuple» .
Farid B.