Déambuler parmi ces trouvailles authentiques dégotées un peu partout, est semblable à un voyage à travers le temps. Empilés jusqu’au plafond, des meubles style Napoléon III, miroirs arabes des chandeliers, des tapis et des livres, font de cette brocante une vraie caverne d’Ali-Baba!
« Autrefois une sculpture d’un minotaure décorait la façade de la boutique d’où l’enseigne : le Minotaure », décrit Harrat Zoubir, propriétaire de ce lieu, situé aux Boulevard Krim Belkacem ex Télémly.
Cela fait 44 ans que l’enseigne « le Minotaure » trône dans ce quartier du Télémly. Cette boutique est la mémoire de cette rue connue par sa tranquillité. « Dans les années 70 les bagnoles n’avaient pas le monopole de la circulation comme aujourd’hui. J’ai choisi de m’y installer pour éviter le brouhaha de la ville, une brocante n’est pas un commerce qui cherche à attirer du monde, on y rentre en passant pour regarder un objet, admirer un tableau, et on y revient si l’on a envie », raconte Zoubir.
« J’ai de tout temps chiné, j’ai sillonné le pays à la recherche de ces objets anciens. Chez moi vous trouverez ce qui est rare et non ce qui insolite. Il faut que chaque objet raconte une histoire et ceux que je choisis sont le tesson des civilisations qu’a connu l’Algérie », précise-t-il. Zoubir a déniché bien des choses. Certaines d’une valeur inestimables. Il a en sa procession trois volumes de livres « iconographies de l’Algérie » du 16ème au 18ème siècle. On y voit une gravure du coup d’éventail. « En réalité, le Dey n’avait pas à la main un éventail mais un chasse-mouche, un objet fait d’un manche et de crinière de cheval », détaille le brocanteur.
Son récit est interrompu. Une dame d’un certain âge pousse la porte de la brocante. Elle vient de la part d’une amie que Zoubir semble connaitre. « Je souhaiterais vendre, un salon et une salle à manger Boulle », propose la dame à Zoubir. Apres une courte conversation la dame repart en annonçant qu’elle reviendrait. « Elle souhaite vendre du mobilier Boulle c’est des meubles en écaille de tortue et bronze en référence à l’ébéniste André-Charles Boulle. Seulement ce genre de mobilier n’existe plus ce sont des copies et même dans la gamme mobilier boulle, il y avait des bureaux dits mazarin en marqueterie Boulle mais pas de salle à manger », explique Zoubir.
Passionné des vieilleries depuis son jeune âge, Zoubir se souvient de la maison de ses grands-parents dont la pièce où l’on recevait des invités était comparable à un musée. « des objets d’antan se côtoyaient dans un décor solennel ».
Pendant son adolescence, une amie à ses parents qui était dans le domaine de la brocante l’emmenait avec elle lorsqu’elle se déplaçait à la recherche de ses objets. « Zoubir toi tu as l’œil, tu m’accompagnes », disait-elle. Cette même personne l’a encouragé à se lancer dans ce domaine. À 25 ans Zoubir est déterminé. Il ouvre sa boutique et se consacre pleinement à la quête de l’objet rare.
Il y a quelques années, dans la ville d’Oran, Zoubir achète des costumes de l’époque 1850, ces robes dites de bal. Dans sa boutique, il crée une mise en scène « j’ai rassemblé des objets de cette époque et je les ai posés autours de ces robes dans la vitrine, afin d’attirer un acheteur connaisseur ». Celles-ci ont fini chez un collectionneur féru de tout ce qui se rapporte à cette époque.
Vous l’aurez compris acheter pour revendre n’est pas l’intérêt de Zoubir. C’est, plutôt, une relation intime qu’il entretient avec ses trouvailles. Souvent il leur redonne une nouvelle jeunesse en les restaurants avec soin afin de préserver leur authenticité.
Deux de ses fils partagent sa passion. L’un a sa propre brocante et l’autre s’occupe de la restauration des objets. « L’un a fait des études de droit et l’autre de commerce, à aucun je n’ai imposé ce choix professionnel, faut croire que cette passion s’est transmise naturellement « , souligne ce papa comblé.
Sur son métier, il dira qu’il se perd, « des conteneurs chargés d’objets rentrent en quantité en Algérie», se désole-t-il. «J’ai moi-même recours à l’importation mais pour rapatrier des parties de notre patrimoine comme souvent des gravures sur Alger ».
Ce n’est hélas pas le cas de certains qui achalandent leur boutique de tout et de rien, souligne-t-il.
Lorsqu’il parle de ses trouvailles, il en parle avec les yeux qui brillent et un sourire au coin. « Ces objets ont visité tellement de lieux et rencontré tellement de personnes, s’il avait l’usage de la parole ils nous diraient bien des choses », dit-il amusé.
Il ouvre une parenthèse pour raconter une anecdote « lorsque je me suis marié j’avais acheté des choses pour ma maison à un diplomate qui quittait l’Algérie, vingt ans après j’ai voulu changer de décor et je me suis séparé d’un bon nombre de choses dont une lampe. Quinze années plus tard, un commerçant, vient dans ma boutique et propose de me vendre cette même lampe. Le hasard m’a fait retrouver un objet qui m’a appartenu autrefois ».
Il conclut sur le conseil du connaisseur. Ces objets il faut en prendre soin car ils sont souvent porteurs d’une mémoire .
Source huffpostmaghreb