La bataille d’Aouchaaoua, dans la commune d’El Mehmel (Khenchela), fut l’un des plus importants engagements livrés par l’Armée de libération nationale (ALN) en 1957, dans la wilaya-1 historique, infligeant à l’ennemi de lourdes pertes en hommes et matériels.
Selon le moudjahid Bachir Laayour, dont le témoignage est conservé au secrétariat de l’Organisation nationale des moudjahidine de Khenchela, la bataille a débuté vers 3H de l’après-midi, le 5 décembre 1957. Les combats se sont poursuivis jusqu’à une heure tardive de la nuit, lorsque les moudjahidine ont décidé, devant la supériorité incomparable en hommes et en armement de l’ennemi, de se replier après la prise en otage de leur chef, Saad Boussaha. D’après le récit du moudjahid Laayour, les forces colonialistes stationnées à Mahmel ont eu vent de la présence d’une unité de combat de l’ALN comptant plus de 70 djounoud, composés de trois groupes, au douar Khelafna où ils ont fait une halte pour se reposer et se restaurer.
L’ennemi n’allait pas tarder à encercler les lieux, appuyé par l’artillerie, les hélicoptères et les avions, en plus de renforts acheminés rapidement des postes de Tazougaght, Babar et Zoui. Le document rapporte que les djounoud de l’ALN, avertis de la venue des soldats français, ont tenté de se retirer des zones habitées, mais l’ennemi a été plus rapide, l’encerclement des résistants eut lieu à Aouchaaoua et les moudjahidine n’ont eu d’autre choix que de livrer bataille sous le commandement de Saad Bousaha et son lieutenant Larbi Charrab qui ont positionné les combattants et donné l’ordre de repousser les assauts de l’ennemi en surnombre, doté d’armes et de matériels d’une puissance infernale. La bataille d’Aouchaaoua s’est poursuivie de longues heures au rythme de percées et de replis répétés. Elle gagna en intensité avec les renforts ennemis supplémentaires venues du centre-ville de Khenchela prêter main-forte à une armada dont la puissance de feu était déjà surdimensionnée.
Rompus aux techniques du combat inégal, les chefs de l’ALN veillaient en priorité à éviter les pertes, en attendant la nuit pour organiser le repli après la mort au combat de 14 moudjahidine, dont Maalem Hocine, Khiari Sebti, Bilal Abdelaziz, Mourad Mohamed Laid, Cherrab Abdelhafid et d’autres encore, en plus de la prise en otage de 5 moudjahidine dont Chitour Chaabane, Ghogal Djamel, Chaabi Othmane et Chett Chafaai.
Le récit de la bataille d’Aouchaaoua ajoute que parmi les moudjahidine pris en otage par l’ennemi, figurait le commandant de l’unité de l’ALN, Saad Bousaha dit « El Chaïb » qui sera torturé lors de son interrogatoire durant lequel il refusera de livrer des informations sur les maquis. Les soldats le conduisirent à bord d’une Jeep au douar Lekhlafna où on lui donne un mégaphone pour s’adresser à ses compagnons, à leur tête son adjoint Ali Ben Bachir, pour leur demander de cesser le combat et de se rendre en déposant les armes.
150 morts dans les rangs ennemis
Les officiers français s’attendaient à ce que le prisonnier Saad Bousaha allait appeler à la reddition devant les femmes du douar Lekhlafna, déserté par les hommes fuyant les arrestations et les tortures systématiquement pratiquées par la soldatesque coloniale. Mais, à la surprise de l’ennemi, Saad Bousaha fit un autre usage du mégaphone, s’adressant ainsi aux habitantes restées dans le douar : « Femmes du arch d’Ouled Amara, n’écoutez pas ce que vous dit l’ennemi et ses supplétifs (harkis), dites à mon compagnon Ali Ben Bachir et à ses djounoud de ne pas se rendre. Si El Chaïb Boussaha meurt, tous les enfants d’Algérie me représentent, poursuivez le djihad jusqu’à l’indépendance de l’Algérie ». Le témoignage sur la bataille d’Aouchaaoua conservé par l’Organisation nationale des moudjahidine de Khenchela rapporte qu’après cet appel du prisonnier, l’armée française assassina le chef de l’ALN Saad Boussaha et mutila son corps près de la mosquée du village d’Ouled Amara, commune d’El Mehmel, et cela, en présence des habitants. Le moudjahid Bachir Laayour termine ainsi son récit sur la bataille d’Aouchaaoua : « Les combattants de l’ALN, malgré leur nombre réduit face à des forces ennemies écrasantes, malgré un terrain nu où le combat leur fut imposé par surprise, se sont battus avec acharnement et ont fait 150 morts parmi les soldats français, en plus de 5 autres blessés et ont récupéré 5 armes ».