dans le domaine des hydrocarbures, à travers une loi régissant ses activités, et ce au risque même de fâcher l’opinion publique. En effet, l’ouverture de ce secteur, névralgique, aux capitaux étrangers fait, depuis plusieurs semaines déjà, face à une grande polémique agressive.
Entre partisans et adversaires, la loi est comme même passée. Le Conseil des ministres l’a adoptée le 13 octobre dernier. Et malgré certaines préoccupations et hésitations des députés qui ont, notamment, plaidé pour le report du Projet à l’après présidentielle du 12 décembre afin de permettre à ses rédacteurs de prendre le temps nécessaire pour son examen et son enrichissement dans le cadre d’un dialogue inclusif associant l’ensemble des intervenants dans le secteur, la ladite loi a, également, été adoptée, il y a quelques jours, à l’APN, par la majorité écrasante. Pour les plus réticents des députés, la conjoncture actuelle que vit le pays ne permettait pas de débattre d’une loi de haute importance et sensibilité, étant un outil essentiel de développement du secteur des hydrocarbures en particulier et de l’économie nationale en général, ce qui signifie l’impératif de lui donner le temps indispensable pour le débattre. D’autres, ont estimé que ce projet n’a pas impliqué assez d’experts et de bureaux d’études en dépit de son importance cruciale. A l’image de l’ancien PDG de Sonatrach, Abdelmadjid Attar et expert pétrolier qui est l’un des adeptes du report de cette adoption. Selon lui, le pays est dans une situation politique « qui aurait dû conduire au report de l’approbation par le gouvernement de ce texte. En d’autres termes, ce gouvernement provisoire ne devrait pas engager l’Algérie sur le long terme. Ce rôle est légitimement dévolu au futur président issu d’élections propres et honnêtes et au futur gouvernement désigné après ce scrutin ». Aussi, et au-delà de ces «vérités techniques», l’expert ne comprend pas «l’insistance» du gouvernement à adopter ce projet, dès lors que l’Algérie n’en tirera «aucun avantage économique». Des affirmations qui contredisent les assurances du ministre de l’énergie, Mohamed Arkab, qui soutenait, il y a quelques jours, que le sous- sol algérien regorgeait de pétrole et de gaz et qu’il y aurait d’après lui, «d’autres Hassi Messaoud». Arkab a affirmé que les raisons derrière l’élaboration de ce projet résidaient essentiellement en le recul des réserves depuis 2005 faute de nouveaux contrats d’investissement conclus avec les partenaires dans le cadre des activités d’exploration et de prospection. Il a également indiqué que l’exploration de nouvelles réserves pétrolières et gazières est devenue une nécessité « impérieuse et urgente » pour l’Algérie, nécessitant un cadre juridique adéquat. Le timing de ce projet est « purement économique » coïncidant avec le recul de l’activité d’exploration pétrolière dans le pays à la lumière de l’incapacité de Sonatrach de supporter les grandes charges de cette activité et d’une conjoncture marquée par une grande hausse de la demande interne en énergie. Le projet de ce texte intervient, selon le ministre, pour adapter l’activité de Sonatrach aux données du marché mondial du pétrole et à la forte concurrence qu’imposent les grands producteurs d’hydrocarbures. Pour lui, l’exploration de nouvelles réserves pétrolières et gazières est devenue un impératif urgent pour l’Algérie. La suggestion de ce nouveau texte vise, notamment, à retrouver la place de choix qu’avait l’Algérie sur le marché mondial de l’énergie, dans les années 1990, grâce aux avantages qu’offraient, à la Sonatrach et ses partenaires, la loi sur les hydrocarbures de 1986. Lors de ses multiples passages en plénières, le ministre a rappelé, que pas moins de 83 contrats avaient été signés, dans le cadre de la loi 86-14, dont 20 demeurent en vigueur à ce jour, ajoutant que « suite à l’amendement de 1991, l’Algérie a continué à capter les investissements étrangers avec la signature de 50 contrats de recherche et d’exploitation entre la Sonatrach et 30 partenaires étrangers, et qui demeurent en vigueur également ». Cependant, et depuis l’amendement de 2005, le nombre de nouveaux contrats de recherche et d’exploitation, conclus dans le cadre du partenariat, a baissé. Sur un total de 67 blocs soumis à la concurrence, depuis 2008, l’Algérie n’a reçu que 19 offres et conclu 13 contrats seulement. Emboitant le pas à Arkab, des responsables du secteur de l’énergie, qui pour appuyer les démarches du ministre de l’Energie, mettent en garde contre une crise énergétique structurelle qui se profile, sur le pays, à l’horizon 2030 en raison d’une réduction de l’offre énergétique du pays contre une forte hausse interne. Selon ces experts, la nouvelle loi sur les hydrocarbures est susceptible d’épargner au pays cette crise. « Les études démontrent que l’Algérie connaîtra, à l’horizon 2030, un déficit structurel entre l’offre et la demande énergétique, pouvant l’empêcher de répondre à la demande locale sur l’énergie », a indiqué Hakkar Toufik chef du groupe de travail, chargé de l’élaboration du projet de loi sur les hydrocarbures. L’Algérie pourrait faire face, à partir de 2025, » à une réduction sévère de ses recettes en devise en raison du recul des exportations des hydrocarbures », prévoit le responsable qui affirme, aussi, que l’examen de ce texte en ce moment n’est qu’une « coïncidence », rappelant que l’élaboration de ce projet de loi avait été entamée depuis plusieurs années.
Un autre lanceur d’alerte, en l’occurrence, Mustapha Hanifi, un haut responsable du ministère de l’Energie, qui affirme que l’Algérie a plus que jamais besoin de nouvelles découvertes de pétrole et de gaz pour assurer sa sécurité énergétique et ses revenus, notamment à travers le partenariat étranger. « Nous avons besoin de découvrir plus de pétrole et de gaz pour assurer la sécurité énergétique du pays et ses revenus », fait-il savoir lors de son passage au forum du quotidien El Moudjahid. Se voulant plus convaincant, il a indiqué que le profil de production national connaissait une « tendance baissière », sachant que le champ de Hassi R’mel, totalisant la moitié de la production nationale, en est à « son troisième boosting », des techniques consistant à soutenir la production d’un champ pétrolier vieillissant mais pour une durée limitée. De plus, selon le représentant du ministère, « 60% des réserves gazières de l’Algérie sous contrat sont épuisées », même si, a-t-il dit, le pays possède un potentiel « extrêmement important ». « Si nous restons au stade actuel, avec l’accroissement de la consommation nationale, nous arriverons à l’horizon 2030 avec un bilan gazier déficitaire », a-t-il prévenu, ce qui « conduirait l’Algérie à importer du gaz ». Il est nécessaire de savoir, selon lui, que la durée entre la signature des contrats gaziers et l’entrée en production des premières molécules peut atteindre une dizaine d’années. Dans ce contexte, M. Hanafi a appelé à agir pour hisser la production pétrolière du pays et à réduire sa consommation à travers notamment la mise en œuvre d’un nouveau cadre juridique capable d’attirer davantage d’investisseurs étrangers. Concernant le contenu du projet de loi sur les hydrocarbures, il a fait savoir que l’architecture fiscale (de la loi en vigueur) « n’a pas été modifiée », alors que le système fiscal en soi a été « simplifié » et rendu « plus incitatif ». « Le régime fiscal actuel ne permet pas à la compagnie nationale des hydrocarbures, Sonatrach, de faire de nouvelles découvertes », a-t-il soutenu, ajoutant qu’un chapitre a été introduit dans ce projet de loi pour une « plus grande intégration nationale à travers la participation des entreprises et des compétences locales ».
Pour ceux qui dénoncent le bradage des richesses nationales du pays, à travers le fait de faire participer d’autres compagnies étrangères dans l’élaboration de cette loi, le ministre de l’Énergie, Mohamed Arkab, a déclaré que ces compagnies sont classées parmi les meilleures dans le monde, et que des discussions ont été menées avec ces partenaires étrangers sur deux aspects de cette loi. Il s’agit du cadre réglementaire et du système fiscal. Avant d’ajouter que cette loi, contrairement, à ce qui se dit, préserve fortement les intérêts de l’Etat en soumettant tous les contrats au Conseil des ministres et en attribuant la propriété des titres miniers à l’Etat, qui sont délivrés exclusivement à ALNAFT (article 9). Plus rassurant, Arkab, déclare, que l’article 5 stipule que les hydrocarbures découverts et non découverts sont la propriété de la collectivité nationale et l’Etat en assure la gestion dans une perspective de développement durable. Pour le ministre, le texte proposé comporte deux message importants: le premier, à l’adresse de la collectivité nationale, en réitérant que l’objectif principal est l’augmentation des investissements, la création de nouveaux emplois, la hausse des recettes de l’Etat et la satisfaction de la demande locale en énergies, et le deuxième à la communauté internationale pour affirmer que le partenariat a toujours été un choix stratégique pour développer une industrie pétrolière et gazière en Algérie.
Abordant les détails, Arkab a fait savoir que le régime juridique proposé garanti une flexibilité de l’exercice des activités amont à travers différents types de contrats, dont le contrat de « concession Amont », qui attribue à la Sonatrach, et à elle seule, un droit de concession pour l’exercice des activités Amont. Trois autres types de contrats de partenariat sont proposés dans cette loi, en l’occurrence le contrat de partage de production entre la Sonatrach et ses partenaires au terme duquel est attribuée, en cas d’une exploration pétrolière, une part de production ne dépassant pas les 49% au co-contractant pour le remboursement de ses coûts pétroliers avec une rémunération imposable. Il s’agit également du « contrat de services à risque » et du « contrat de participation » auquel le taux de participation de la Sonatrach est fixé à un minimum de 51%. Tous ces contrats doivent être obligatoirement être soumis à l’approbation du Conseil des ministres avant leur signature.
Rachid Moussaoui