La France qui a franchi un pas dangereux de reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, dossier inscrit à l’ordre du jour de l’ONU, au mépris donc de la légalité internationale, expose ses entreprises, appelées à s’investir dans ce territoire qui n’appartient pas au Makhzen, à toutes formes
de risques. Une nouvelle étude réalisée par l’Observatoire du Maghreb, associé à l’Institut des Relations Internationales et Stratégiques (IRIS), alerte les entreprises françaises et européennes sur les risques juridiques, sécuritaires et économiques liés à tout investissement au Sahara Occidental suite à la décision du 4 octobre de la CJUE.
L’étude présente d’abord le Sahara occidental et un aperçu de son histoire avant de relever les risques. D’une superficie de 266 000 km² et riche en ressources naturelles, notamment le phosphate, le territoire du Sahara occidental dispose d’une importante façade maritime sur l’Atlantique et partage des frontières avec trois pays : le Maroc, l’Algérie et la Mauritanie.
Ancienne colonie espagnole, le Sahara occidental figure depuis 1963 sur la liste des territoires non autonomes de l’ONU dont le statut politique et juridique final reste à déterminer par un référendum d’autodétermination. Selon l’IRIS, les risques sécuritaires au Sahara occidental sont essentiellement liés à la reprise des hostilités armées entre le Polisario et le Maroc en 2020, aux mines terrestres non explosées et à la menace terroriste qui touche toute la région sahélo-saharienne.
Depuis l’annonce par le Polisario, le 13 novembre 2020, de la fin du cessez-le-feu, le Sahara occidental est sous tension. Cette annonce est intervenue en réaction à l’opération militaire marocaine qui avait été menée quelques jours avant à l’extrême sud du Sahara occidental au niveau du poste-frontière de Guerguerat, près de la Mauritanie, rappelle l’étude.
Quant aux risques juridiques, l’étude affirme qu’en vertu du droit international, le Sahara occidental est un territoire distinct du Royaume du Maroc. La Cour internationale de justice a précisé dans un avis consultatif de 1975 qu’il n’existait aucun lien de souveraineté entre le Maroc et le Sahara occidental.
La Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) va dans le même sens en considérant que le territoire du Sahara occidental est distinct du Maroc. La haute juridiction européenne a invalidé les accords commerciaux, portant sur l’agriculture et la pêche, conclus entre le Maroc et l’UE en 2019 et qui couvraient le territoire marocain, mais aussi celui du Sahara occidental, en considérant qu’ils ont été conclus en « méconnaissance des principes de l’autodétermination » du peuple sahraoui.
« Le statut juridique international spécifique du Sahara occidental est donc un élément fondamental à prendre en compte par les entreprises étrangères présentes dans ce territoire ou souhaitant y réaliser des projets. Ces entreprises doivent être pleinement conscientes de la « zone grise juridique » dans laquelle elles opèrent et des risques juridiques que cela peut engendrer pour elles », a averti l’IRIS.
Pour plusieurs observateurs et juristes, l’implantation des firmes étrangères, notamment françaises, dans les territoires sahraouis pose la question de la légalité de cette présence au regard du droit international.
Cette présence pourrait ainsi les rendre complices « de crime de guerre » et de « financement de colonisation », puisque ces entreprises n’ont pas obtenu au préalable le consentement de la population autochtone du Sahara occidental ou de leur représentant, défini par l’ONU comme étant le Front Polisario. Les entreprises françaises et européennes qui s’aventurent dans le territoire sahraoui occupé par le Maroc encourent d’autres risques commerciaux et de réputation, selon l’IRIS .
Farid.H.